Les contes de Louis Schneegans – Sabine

C’est le jour de la Saint-Urbain, en 1277, que maître Erwin de Steinbach avait commencé la façade de la cathédrale, son œuvre la plus glorieuse.

Statue de Sabine par Ph. Grass, bras sud du transept.

Le bâtiment s’éleva rapidement et solidement sous la direction du grand maître. De tous côtés, les fidèles se hâtaient d’affluer et d’apporter leur aide à la construction de l’église, pour obtenir l’indulgence promise par l’évêque Conrad et, ainsi, le pardon de leurs péchés. Tout le monde, comme le rapportent nos chroniqueurs, voulait assurer son salut au moyen de cet édifice.

Sa famille soutint volontiers Erwin de toutes ses forces.

Maître Jean, digne fils du grand artiste, ne fut pas le seul à le soutenir dans ce chantier. Sabine, la plus adorable des filles, se tint à ses côtés et l’assista grandement. Elle aussi, la pure jeune fille, par ses dispositions artistiques, avait hérité, avec son frère Jean, le grand génie du père et appris son art. La flamme sacrée brillait dans les deux poitrines, et le grand maître était ravi de reconnaître en ses enfants l’image de sa jeunesse.

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Les contes de Louis Schneegans, décembre – La corne au pilier

C’était à l’époque d’Erwin, époque où la cathédrale était en chantier et où les charretiers se hâtaient, qui venaient de près ou de loin, du cœur de l’Autriche et d’autres pays lointains, pour apporter de la carrière de Kronthal, propriété de l’Œuvre Notre-Dame, les pierres à bâtir. Parmi eux il y en avait un qui venait de Hongrie, avec un énorme buffle ou aurochs, si grand qu’on n’en avait jamais vu de pareil dans les pays rhénans.

Un aurochs de Heck, tentative de reconstitution de l’aurochs originel par croisements génétiques menée dans les années 1920 / 1930 par Lutz et Heinz Heck.
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Les contes de Louis Schneegans, novembre – Le saint Sépulcre

Sur le versant sud de la cathédrale, l’évêque Berthold II, comte de Bucheck par sa naissance et fils du Landgrave de Bourgogne, avait fait construire une belle et spacieuse chapelle, qu’il consacra en 1349, en l’honneur de Sainte Catherine.

C’est là qu’il voulait être enterré.

Conformément à l’usage émouvant et magnifique du Moyen Age, l’évêque, de son vivant, fit ériger sa propre tombe dans la chapelle qu’il avait fondée et consacrée.

Fragment provenant du saint Sépulcre de la cathédrale, aujourd’hui au Musée de l’Œuvre Notre-Dame.

Les tailleurs de pierre travaillèrent avec ardeur à ce monument funéraire.

Un jour, l’évêque vint voir où on en était.

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Les contes de Louis Schneegans, octobre – La fondation de la prébende du roi de chœur

Cathédrale de Strasbourg, bas-côté nord, baie VII : Henricus Imperator Babinbergensis (Henri II)

En l’an 1012, Henri II, roi des Romains, arriva à Strasbourg où il séjourna quelques semaines.

Chaque jour, sans aucune exception, il assistait au service divin dans la cathédrale. Le matin à la messe solennelle, le soir aux vêpres, et même la nuit, quand on chantait matines (la messe nocturne ou matinale), Henri était assis dans le chœur aux côtés de l’évêque Werner, son ami et conseiller.

Chaque jour, le roi se sentait plus à l’aise et comme chez lui dans la cathédrale. Chaque jour, il était de plus en plus attiré par la piété simple et sans prétention, par la dévotion intime et sans hypocrisie des Frères de Marie[1]. Nulle part ailleurs il n’avait vu toutes les cérémonies cultuelles célébrées avec une plus grande dignité et solennité, nulle part ailleurs il n’avait autant ressenti leur sacralité. Les statuts de la règle que l’on suivait dans la cathédrale de Werner élevaient et charmaient tellement le roi que germa progressivement en lui le désir de demeurer indéfiniment dans l’auguste sanctuaire, parmi les frères, et de s’élever avec eux au ciel en se joignant à eux lors des prières, des messes et des chants.

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Les contes de Louis Schneegans, septembre – Les deux ouvriers

C’était en l’an de grâce 1276, à la fête de la Chandeleur, que Strasbourg avait commencé la construction de la magnifique et majestueuse façade de la cathédrale, selon le projet proposé par maître Erwin de Steinbach.

Charles Wild, La cathédrale de Strasbourg, estampe en couleur, 1830

Ce jour-là, Conrad de Lichtenberg, richement revêtu de ses habits épiscopaux, célébra lui-même la messe de Notre-Dame sur le maître-autel de la cathédrale et supplia Dieu et sa chère Mère, patronne de la cathédrale et de la ville, de jeter un regard bienveillant et clément sur la construction qui devait maintenant se faire en son honneur.

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Les contes de Louis Schneegans, juillet – La nuit de la Saint-Jean dans la cathédrale

Le jour de la Saint-Jean-Baptiste, en l’an 1007, le feu du ciel s’abattit sur la cathédrale qu’il détruisit de fond en comble, sur l’église Saint-Thomas, et sur presque la moitié de la ville, qui ne fut plus que ruine et cendres.

La semaine de la Saint Jean-Baptiste, en l’année du Seigneur 1439, la merveilleuse flèche de la tour fut achevée et l’image de la Vierge installée à son sommet, pour annoncer aux habitants des régions allemandes éloignées que le gigantesque travail de foi et d’expiation, commencé il y a des siècles par nos aïeux, s’est finalement achevé dans la joie et la gloire.

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Les contes de Louis Schneegans, juin – La querelle du Roraffe et du coq

Ah ! la belle époque, lorsque le Roraffe, jadis, au bas de l’orgue, régnait en maître absolu dans la cathédrale.

Tout n’était que jubilation et joie, dans la maison de Dieu, quand, à la  Pentecôte, les paysans, venaient de près ou de loin et entraient dans la cathédrale avec leurs reliques et leurs objets de piété, avec des croix, des drapeaux et des bougies ; et que, là-haut à l’orgue, un joyeux compère, prêtre ou laïc, selon les circonstances et ses besoins, se mettait derrière le Roraffe, et que pendant le service divin, pendant la messe basse, la messe chantée, les vêpres et les complies, il ne se gênait pas de rire à gorge déployée, de crier et de hurler, prenant à partie les fidèles dans la nef, les injuriant à tour de bras, et même de chanter toutes sortes de chansons honteuses qui prenaient à partie les fidèles dans la nef, raillant leur crédulité et en particulier  celle de leurs compatriotes, et n’épargnant pas même les chanoines et les prêtres qui chantaient dévotement dans le chœur.

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Les contes de Louis Schneegans, mai – La cour des corvées

L’an de grâce 1007, le jour où l’on fête saint Jean-Baptiste, survint à Strasbourg un temps effroyable et épouvantable. Les éclairs succédaient aux éclairs, le ciel à perte de vue semblait ne plus être qu’une mer de feu et les roulements de tonnerre étaient terribles.

Dans cette horrible tempête le feu tomba du ciel et s’abattit sur la cathédrale et sur l’église Saint-Thomas. Les deux lieux de culte prirent feu, tous deux furent réduits en cendres de fond en comble, ainsi que plus d’un tiers de la ville.

Cette catastrophe toucha lourdement le cœur de l’évêque Werner. Il instaura d’abord à travers tout le pays une taxe générale ainsi qu’une aumône. Il entendait, ce faisant, mettre d’abord les malheureux citoyens et habitants en état de reconstruire leurs maisons, eux que l’incendie avait réduits à néant, puis remplacer les églises qui n’étaient plus que cendres par de nouvelles.

Le Fronhof sur le plan-relief de 1725-1728, Musée historique de Strasbourg.
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Les contes de Louis Schneegans, avril – Le gentilhomme étranger et son chien

Parmi tous les audacieux que connut jadis Strasbourg, figure Simphorianus Pollio (Altbüßer en allemand) qui fut, au début de la Réforme, curé pléban ou curé à Saint-Étienne, puis, de 1521 à 1523 successeur de Wickram comme prédicateur de la cathédrale et en même temps curé à Saint-Martin, ainsi que l’un des réformateurs de Strasbourg et l’un des premiers protestants à composer des cantiques, mais aussi l’un des plus téméraires d’entre les téméraires. On raconte de lui de nombreux faits et gestes, dont celui-ci. Un jour, on le vit debout sur la balustrade du grand pont qui enjambe le Rhin ; il pencha tout le haut de son corps au-dessus du lit du fleuve en même temps qu’il étirait l’une de ses jambes aussi loin que possible derrière lui. C’était aussi une broutille pour lui que de monter sur la balustrade de la plate-forme de la cathédrale, de s’y tenir debout, droit et raide, pour regarder à son gré autour de lui, au loin tout comme dans les rues, où les innombrables spectateurs affluaient en bas à cause de lui, étonnés de son audace et de sa témérité, puis de se promener tout autour sur l’étroit parapet.

Des visiteurs sur la plateforme de la cathédrale vers 1900 (carte postale).
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Les contes de Louis Schneegans, mars – Le puits dans la cathédrale

Isaac Brunn, « Nef de la cathédrale de Strasbourg en 1630« . Le puits est visible dans le bas-côté droit.

Dans le bosquet consacré aux dieux, là où s’élevaient trois hêtres, à côté de la pierre sacrificielle, jaillissait une source sacrée autour de laquelle on avait construit une fontaine.

C’est là que jadis, au temps des païens, les prêtres lavaient les victimes offertes au terrible dieu de la guerre.

Et la source était si chère aux tribus qui, des environs immédiats et jusques aux confins les plus éloignés, en occupaient les terres, qu’elle fut préservée à l’époque où Clovis, le pieux roi des Francs, chassa le paganisme des demeures alsaciennes.

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